212                           HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
tous ses soins. Le trésorier de France Babou de la Bourdaisière, qui avait toute la confiance de son maître et partageait ses goûts éclairés, eut la surintendance de l'établissement, placé sous la direc­tion immédiate Vl u Primatice. L'habile décorateur italien donna plu­sieurs modèles de tapisseries; Sauval et Félibien l'affirment, et ils paraissent le savoir de source certaine. Le dernier cite même une tenture « sur toile d'argent avec des couleurs claires qui était autrefois à Montmorency ». Mais il ignore les destinées de cette pièce singulière. D'un texte contemporain il semble .résulter que le Primatice aurait fourni les patrons d'une petite tenture de Sci­pion; mais cette fois le roi, se défiant du talent de ses tapis­siers en titre, se serait adressé aux ateliers renommés de Bruxelles, où le Primatice se rendit en personne pour porter les cartons du Petit Scipion, suite ainsi nommée par opposition à la tenture dite du Grand Scipion, attribuée à Jules Bornai n.
Plusieurs peintres, sous les ordres du Primatice, travaillaient spé­cialement au dessin des cartons dont le maitre italien se bornait à donner le croquis ou la première idée. Au premier rang de ces auxiliaires se place le Véronais Matteo del Nassaro, graveur et orfèvre, auteur, d'après Félibien, des patrons de deux tapisseries à or et soie, avec petits personnages, représentant les Histoires d'Acléon et d'Orphée. Les autres collaborateurs ordinaires du Pri­matice se nomment : Baudouin ou Badouin, Lucas Romain, Claude Carmoy, Francis Cachenemis et Jean-Baptiste Baignequeval.
Félibien, qui nous a conservé ces détails sur l'atelier de Fontaine­bleau, fait aussi connaitre les noms des principaux tapissiers, relevés jadis sur des registres aujourd'hui perdus. Tous sont occupés à des ouvrages de haute lice; si l'on rencontre parmi eux quelques artisans d'origine flamande, d'autres ont une origine bien française. A côté de Jean et Pierre de Bries sont cités Jean Des­bouts, dont le nom esta retenir, car il reparaîtra à la fin du xvi0 siècle; Pierre Philbert, Pasquier Mailly, .lean Tixier ou Texier, Pierre Brassay, Jean Marchay, Nicolas Eustace, Nicolas Gaillard, Louis du Bocher, Claude le Pelletier et Jean Souyn, probablement un parent de l'Allardin de Souyn, logé dans l'hôtel de Sens, à Paris, au début du xvi0 siècle. Jean Souyn semble avoir été particu­lièrement chargé de la restauration des vieilles tentures.
La garde des tapisseries appartient à Salomon et Pierre de Herbai-nes, qu'on ne doit point considérer comme des artisans de haute lice.